Au milieu des années 1960, les passionnées de scooters commencent à se désintéresser des activités proposées par le Club Lambretta® et se tournent vers les voitures.
Les sorties dominicales à la campagne suivies d’un pique-nique sont presque toutes oubliées.
Les temps changent et le scooter est maintenant un simple moyen de se rendre au travail.
Le bulletin Innocenti Notiziario Lambretta® arrête sa publication et les clubs Lambretta® qui ont fait connaître le concept du « Lambrettisme » sont dissous ou sont intégrés à des clubs moto.
En 1954, la société Innocenti décide pourtant de lancer un cyclomoteur économique à grandes roues. Une vaste campagne de publicité, mettant en scène le cow-boy et le chiot déjà utilisés pour lancer le Lambretta® A et associés au slogan « Motorisez vos jambes ! », marque le lancement du Lambretta® 48.
Affiché à seulement 78000 lires, ce modèle se distingue par son cadre en tôle emboutie, son réservoir de carburant sous la selle, sa transmission et son moteur 2 temps très silencieux.
Mais ce nouveau cyclomoteur doit faire face à une concurrence acharnée des autres constructeurs italiens, en particulier Motom et Garelli, et ne réussit pas à conquérir une position sérieuse sur le marché italien.
En 1955, l’arrivée du Vespa 150 GS agite le monde du scooter. Il accélère plus rapidement que nombre des petites motos légères de l’époque et peut atteindre 100 km/heure, ouvrant un nouveau marché de scooter « sportif ». Piaggio a lancé le défi mais Innocenti n’est absolument pas prêt. Toutefois, les ingénieurs vont rapidement s’attaquer au problème.
La conception d’un nouveau Lambretta® est une nouvelle fois confiée à Pier Luigi Torre qui rompt avec la tradition et imagine un scooter doté d’un châssis et d’une mécanique totalement originale.
Coté motorisation, la culasse est horizontale pour abaisser le centre de gravité, la transmission est munie d’une chaîne duplex, les roues sont de 10 pouces, la boîte dispose de 4 rapports.
La partie-cycle n’est pas en reste avec une selle double, un garde-boue avant fixe et une poupée fixe en alliage d’aluminium qui contient tous les câbles.
Le Lambretta® TV (Turismo Veloce) entre en production à grande échelle et son moteur de 175 cm3 le place en tête de sa catégorie en termes de performance et de puissance. Mais malheureusement, la mécanique s’avère trop fragile et en 1958, le modèle est remplacé par le TV série II qui reçoit un nouveau moteur (également présent sur le modèle LI 125 et 150 cm3).
Néanmoins, le 175 TV est très important pour la société Innocenti dans le sens où il témoigne d’une nouvelle philosophie en termes de performance et d’amélioration constante de la gamme.
Le lancement du 175 TV coïncide avec l’ouverture, sur la place San Babila à Milan, d’une surface d’exposition ultramoderne, spécialement conçue pour promouvoir les scooters fabriqués par Innocenti. Il s’agit d’une immense vitrine sur deux étages, située tout autour du bâtiment donnant sur cette place très animée. On y présente au public les dernières évolutions et le lieu devient rapidement l'un des points de rencontre préférés des amateurs de Lambretta®.
En 1958, la production du splendide modèle LD, l’héritier direct du tout premier Lambretta®, est arrêtée, annonçant ainsi la fin de la première partie de l'histoire Lambretta®.
Le modèle LD marque l’apogée des premières années de la société Innocenti ; il a été fabriqué pendant plus de six ans, remportant un succès commercial indéniable dans le monde entier. Il est remplacé par les modèles LI 125 et 150, dont l’habillage s’inspire de celui du TV lancé en 1957.
La mécanique du LI est également empruntée au TV, au moins en partie puisque le moteur est nouveau tandis que la transmission et la boîte de vitesse ont été simplifiées et l’embrayage a
été considérablement amélioré.
Environ un an plus tard, le LI est remplacé par le LI série II. À l’image du modèle TV II, dont la production a démarré quelques mois auparavant, le phare avant est solidaire du guidon et tourne donc maintenant en même temps que la roue.
C’est l’époque à laquelle la fabrication des Lambretta® atteint son maximum. La chaîne de montage produit un scooter toutes les 50 secondes et 15 000 unités par mois. Il existe désormais au moins un distributeur Innocenti dans chaque pays du monde. Les Vespa et Lambretta® sont les exemples les plus emblématiques de la technologie automobile italienne et les produits italiens les plus connus dans le monde.
En 1960, Piaggio et Innocenti, les deux principaux constructeurs de scooters en Italie, produisent plus de 436 000 scooters dont plus de la moitié est exportée. Sans parler des modèles toujours fabriqués sous licence dans le monde entier…
Même si les Lambretta® LI et TV remportent un grand succès, Innocenti ne se repose pas sur ses lauriers et continue à faire évoluer sa gamme. La société Ghia présente notamment 2 concepts qui respectent les lignes d’origine mais ces projets sont bientôt abandonnés au profit d’évolutions des modèles existants.
L’usine décide en effet de créer un nouvel habillage autour du moteur déjà en production. À la fin de l’année 1961, le nouveau modèle, dénommé LI série III « Scooter Linea », est prêt à remplacer le LI série II.
Au lancement, il n’est disponible qu’en versions 125 et 150 cm3, le modèle 175 cm3 n’apparaissant que quelques mois plus tard, accompagné de l’honneur d’être le premier deux roues de grande série doté d’un frein à disque avant (cette technologie n’ayant jusque-là été utilisée que sur les machines de course les plus sophistiquées).
Quoi qu’il en soit, quelle que soit leur cylindrée, les lignes très aérodynamiques des Linea témoignent de la qualité du design et de la fabrication des modèles Innocenti.
Le cyclomoteur Lambretta® 48 n’est pas aussi couronné de succès que ce qu’aurait souhaité la société Innocenti, aussi sa production est arrêtée. Les ingénieurs se concentrent sur le projet d’un scooter de 50 cm3 qui répondrait aux exigences d’un nouveau type de clientèle, désireuse de rouler avec un deux roues à moteur sans devoir pour autant passer le permis obligatoire pour les plus gros modèles. Les premiers prototypes sont présentés au Salon de Milan 1961 afin de recueillir les avis.
Ces modèles se démarquent de l’approche « maison » en reprenant le principe du châssis monocoque utilisé sur les Vespa, une architecture à la fois durable et simple à fabriquer.
Pour l’essentiel, le moteur est identique à celui au moteur du modèle LI, à l’exception du cylindre vertical et de l’admission confiée à un distributeur rotatif.
Les prototypes reprennent plusieurs traits de style inaugurés par le série III mais leur principale caractéristique est leur compacité extrême qui fait que seuls les petits gabarits peuvent vraiment le piloter.
Comme il fallait s’y attendre, l’accueil du public est peu enthousiaste et le projet est mis en suspens.
Ce qui n’empêchera pas Piaggio de s’inspirer du concept Innocenti pour développer une miniversion de la Vespa, destinée aux mineurs en attente de l’âge légal pour passer leur permis.
Le nouveau « Vespino » se vend dans toute l’Italie en un temps record. Prise par surprise, Innocenti ressort rapidement le prototype qu’elle avait abandonné et l’agrandit légèrement afin d’y placer un moteur plus puissant.
Ce nouveau modèle est finalement achevé en 1964, mais pour une raison inconnue, la première production sera une version 98 cm3 destinée aux marchés étrangers.
Le public italien doit patienter jusqu’à fin 1964 avant de pouvoir se procurer la version 50 cm3. Celle-ci se distingue du prototype de Milan par la disparition de l’admission rotative ainsi que par l’adoption de roues de 9 pouces en lieu et place des roues de 10 pouces d’origine.
Le lancement du petit scooter coïncide avec celui du TV série III équipée d’un moteur de 200 cm3, un modèle superpuissant conçu pour apaiser le marché anglais qui réclame à cor et à cri un super Lambretta® pouvant atteindre facilement 110 km/h.
Le 150 Special, un scooter similaire avec une finition or ou argent, a été lancé en Italie un an plus tôt.
À cette même époque, chaque constructeur de 2 roues à moteur doit faire face au déclin du marché. En espérant conjurer l’inévitable, Innocenti renouvelle en permanence chacun de ses modèles au travers de petites évolutions clairement visibles. En 1965 puis en 1966, elle lance le 125 Special, le 125 Junior à trois et quatre rapports, le 150 X Special et enfin le 200 X Special, un engin révolutionnaire surnommé « le scooter le plus rapide du monde » qui sera le premier d’une nouvelle catégorie sur le marché italien.