...Des ingénieurs spécialisés et une assistance technique sont également prêts à intervenir depuis le siège social de Milan. Cependant, cette initiative audacieuse se heurte bientôt à la dure réalité alors que deux grands obstacles apparaissent.
Tout d’abord, l’absence de main-d’oeuvre qualifiée dans les pays moins développés : les ouvriers sans expérience endommagent les machines et contribuent au manque de productivité de la chaîne de montage dans son ensemble.
Au final, les scooters dont le prix devait être abordable finissent par être chers.
En second lieu, le marché du scooter doit faire face à la forte progression de la production automobile dans les années 1960: la classe moyenne inférieure, qui constituait jusqu’alors le gros de la clientèle des scooters, a désormais les moyens de s’acheter une voiture. L’Inde et l’Espagne sont finalement les deux seuls pays en mesure de maintenir la production.
Même après que la société Innocenti ait fabriqué son dernier scooter en Italie, ces 2 pays vont continuer à apporter des améliorations mécaniques et esthétiques à la gamme existante, allant même jusqu’à exporter certains modèles. Mais c’est une autre histoire.
Lambretta® ouvre une autre page de son histoire à la fin de l’année 1951, lorsque la société Innocenti présente ses nouveaux 125 cm3 D et LD. Leurs lignes sont semblables à celles des modèles précédents, mais les nombreuses améliorations techniques qui ont été apportées font de ces modèles les nouveaux fers de lance de la gamme Innocenti.
La nouvelle suspension arrière, le moteur à entraînement mécanique, la fourche avant et la suspension hermétiquement scellée caractérisent ces modèles qui seront produits pendant plus de six ans, témoignant de la justesse et de la qualité de la conception.
Plus économique, le D est un superbe exemple de simplicité, d’économie et de solidité, la véritable quintessence du scooter originel tel que pensé par Ferdinando Innocenti.
D’ailleurs, lorsque les 2 modèles sont présentés pour la première fois, c’est le modèle D qui est, de loin, le plus apprécié. Mais en quelques années, le modèle LD, plus luxueux (il sera notamment le premier scooter italien de grande production doté d’un système électrique 6 volts), va reprendre l’avantage, même si son prix est plus élevé.
Au vu du succès commercial énorme que remporte le modèle D, Innocenti décide en 1953 de sortir un modèle encore plus économique, accessible aux revenus les plus faibles.
Le Lambretta® E est mis au point, avec son moteur monobloc horizontal qui simplifie la mécanique et la transmission et surtout son démarrage par lanceur, à l’image des moteurs horsbord.
Les intentions de la société Innocenti avaient beau être nobles, le « E » s’avérera être un échec. Il attire par son prix (seulement 108 000 lires), mais souffre de nombreux défauts mécaniques qui poussent Innocenti à suspendre sa fabrication dès la fin de sa première année de commercialisation.
En 1954, le Lambretta® 125 F renaît des cendres du malheureux modèle E. Pourtant, malgré des améliorations techniques profondes et le retour du kick pour démarrer, il ne parvient pas à regagner la confiance des clients.
Une situation d’autant plus regrettable que le « F » va, au final, s’avérer être l’un des plus fiables de toute la production Lambretta.
Fort heureusement pour la marque, le renouvellement des modèles D et LD, avec un nouveau moteur de 150 cm3 va s’avérer très positif, avec un véritable engouement des fans pour ces scooters de plus grosse cylindrée.
Le 150 D et le 150 LD à lanceur sont tous deux équipés d’une turbine de refroidissement qui permet de garder le moteur au frais, même dans les conditions les plus difficiles tandis que les câbles téléflex de la commande manuelle de boîte ont été remplacés par des câbles Bowden, plus simples.
Outre la simplification du changement de rapports, ce nouveau principe est également plus économique.
Alors que les rallyes internationaux dédiés aux scooters sont de plus en plus populaires, Innocenti réalise qu’elle peut tirer parti de cette nouvelle tendance pour prouver la fiabilité de ces modèles sur de longs trajets.
En 1950, elle lance une campagne publicitaire intitulée « Plus de 100 000 kilomètres sur un Lambretta® » dans le but de promouvoir les voyages au long cours. Les propriétaires de Lambretta® sont encouragés à partir au loin, aidés en cela par des sponsors qui offrent d’importantes sommes d'argent et des récompenses.
Incitant des centaines de « Lambrettistes » originaires des quatre coins du monde à prendre la route, cette campagne promotionnelle va générer de telles retombées qu’Innocenti la reconduit les années suivantes tout en augmentant le montant de la récompense.
L’exemple le plus impressionnant viendra certainement du voyage entamé par le docteur Cesare Battaglini : un tour du monde entre 1956 et 1959. Il traverse chacun des continents, y compris l’Australie et fixe un nouveau record en couvrant un total de 160 000 km sur un Lambretta® 150 D spécialement préparé pour l’occasion au laboratoire expérimental d’Innocenti à Milan.
Dans le détail, le moteur a été vérifié avec soin avant le départ, 2 réservoirs ont été montés à l’arrière pour lui permettent de voyager sur de plus longues distances sans devoir se ravitailler en carburant tandis que les ingénieurs ont également ajouté une roue de secours et un filtre à air de plus grande taille.
Parmi quelques autres vagabonds intrépides et téméraires qui vont impressionner le monde par leurs aventures en Lambretta, citons Aldo Zidaric qui voyage vers le cercle polaire arctique et le désert du Sahara sur son Lambretta® 125 C, remportant le prix Innocenti en 1952 ou encore Edoardo Mari qui traverse le continent africain (de l’Algérie vers Le Cap en passant par Nairobi), parcourant au total 17000 km sur un Lambretta® 125 D.
Au cours des années 1950 et au début des années 1960, Innocenti organise également de grands rallyes internationaux dans toutes les principales capitales européennes.
L’un des rallyes les plus mémorables sera celui d’Istanbul en 1962, qui attire 176 lambrettistes de toute l’Italie, lesquels vont parcourir 2700 km sur 13 jours sans aucune panne majeure, le trajet retour s’effectuant par bateau. La société Innocenti y sera représentée par Gigi Villoresi, un célèbre pilote de course des années 1930 à 1950, également président du Club Lambretta®.