En 1966, Innocenti passe un accord avec l'entreprise italienne Motom en vue de produire sous licence le moteur de 39 cm3 monté sur le célèbre vélomoteur Daina.
Ce sera d’ailleurs la seule et unique fois de son histoire que la société Innocenti demandera à une autre entreprise de concevoir un moteur plutôt que de confier cette tâche à ses propres ingénieurs.
Quoi qu’il en soit, grâce à ce petit moteur fort intéressant, Innocenti commence à fabriquer son propre vélomoteur à pédale, appelé tout simplement « Lambrettino », qui est vendu au prix très raisonnable de 59000 lires.
Son dessin banal et ses performances modestes ne simplifient pas son implantation sur un marché jeune et concurrentiel.
L’année suivante, le Lambrettino est remplacé par le SX Automatic, une nouvelle version équipée d’un moteur 49 cm3 et d’un changement de rapport automatique.
Ce nouveau modèle s’avère très vif au démarrage tout en ne consommant que peu de carburant lorsqu’il roule à pleine vitesse. En parallèle, le service marketing d’Innocenti travaille sur une nouvelle approche commerciale pour attirer les clients alors que les ventes commencent à diminuer.
Plutôt que d’essayer de vendre le même modèle au plus grand nombre, la société décide de fabriquer une gamme couvrant le plus de segments possibles.
En 1967, la production se concentre sur les modèles destinés aux jeunes de 14 ans, une cible qui, selon Innocenti, représente son avenir.
L’idée consiste à proposer un scooter économique et moderne qui fait appel moteur du Lambretta® J 50 pour faire des économies sur les coûts de production.
Le dessin de l’habillage est confié au célèbre designer Bertone qui a déjà collaboré avec Innocenti sur le modèle 950 Spiderina. Malgré le fait qu’il ne soit pas au fait des aspects techniques d’un scooter, Bertone propose un design à la fois original et moderne pour le nouvel engin.
Tendrement appelé le « Lui », ce nouveau Lambretta® 50 restera l’un des meilleurs exemples de collaboration réussie entre un designer et un constructeur de 2 roues à moteur.
Innocenti fait la promotion du Lui dans les principaux magazines, en particulier ceux qui sont axés sur le marché des jeunes tandis que les annonces radio et les divertissements télévisés le font entrer dans chaque foyer italien.
Les publicités le décrivent comme « Le scooter des années 1970 » et scandent « Tous pour Lui, et Lui pour tous ! ».
Devant cette déferlante publicitaire, nombre d’employés de la société mettent tout leur espoir dans ce nouveau modèle et espèrent un miracle.
Mais la crise économique s’abat sur l’ensemble du secteur motocycliste italien, de nombreuses entreprises cessent leur activité ou sont vendues à leurs concurrents à des prix sacrifiés.
Ainsi, Moto Guzzi est-elle rachetée par le gouvernement italien, Gilera par Piaggio tandis que les sociétés Bianchi, Parilla, Mival ou Sterzi mettent la clé sous la porte. Deux versions spécifiques du Lui sont proposées à la clientèle : le 75 cm3 S et le 75 cm3 SL.
Le 75 SL est le premier scooter italien équipé d’un mélangeur huile/carburant automatique. Ce nouveau système « Lube Matic », qui permet de distribuer la quantité exacte d’huile en fonction du régime moteur, est salué par la presse, mais les consommateurs n’ont pas confiance en ce nouveau gadget et préfèrent la version 75 S qui les laisse faire eux-mêmes leur mélange ou utiliser ceux disponibles dans les stations-service.
Il est parfois difficile d'expliquer les succès ou les échecs commerciaux. Le marketing et la psychologie du client sont deux des innombrables facteurs qui entrent en ligne de compte. Le Lui est un engin moderne, fabriqué par un constructeur renommé et vendu à un prix défiant toute concurrence. Pourtant, qui sait pourquoi il ne rencontre pas le succès qu’il mérite à cette époque ?
Toujours est-il qu’il est retiré de la chaîne de fabrication à la fin de l'année 1969, juste un an après son lancement, contraignant Innocenti à liquider son immense stock.
Ravie de sa collaboration avec Bertone, Innocenti décide en 1968 de l’inviter à travailler sur la nouvelle ligne des Lambretta® LI et SX.
L’objectif consiste essentiellement à redessiner l’habillage en se concentrant moins sur les modifications mécaniques. Même s’il doit travailler dans des limites strictes, Bertone prouve une nouvelle fois ce dont il est capable en transformant le Lambretta® LI, complètement dépassé, en un véhicule moderne et élégant.
Cette nouvelle évolution, déclinée en 3 cylindrées, est appelée DL, abréviation de « De Luxe ». plusieurs combinaisons de couleurs sont disponibles en fonction de la cylindrée alors que, pour lui conférer une touche de personnalité supplémentaire, les graphistes ont appliqué sur le coté droit du tablier un autocollant ressemblant à une tache d’encre, ce qui incitera le grand public à le surnommer « la tache noire ».
Le DL 200 ainsi amélioré va rapidement devenir le produit phare de la gamme Lambretta® et, au vu de ses performances exceptionnelles, ne tardera pas non plus à être reconnu comme « le scooter le plus rapide du monde ». En 1969, il est équipé d’un démarreur électrique.
Fidèle à ses habitudes, Innocenti est le premier constructeur à introduire cette technologie sur un scooter.
Parallèlement, des améliorations esthétiques sont apportées au petit Lambretta® Junior 50 pour qu’il reste en phase avec son temps. Le modèle DL est présenté en 1968. En 1969, la société Innocenti lance une version « Special » équipée d’une grande selle bicolore et d’un tapis de sol en caoutchouc noir.
Malgré les améliorations permanentes apportées aux différents modèles, la crise économique qui touche le marché du scooter continue à empirer.
Lassé de lutter, Luigi Innocenti décide finalement de vendre son complexe industriel et de se retirer du monde des affaires. La chaîne de fabrication est officiellement arrêtée au mois d’avril 1971, mais un lot de 3 roues 600 V sera toutefois terminé au début de l’année 1972.
Devant la difficulté à trouver un repreneur pour les chaînes mais aussi pour les machines, le gouvernement indien intervient et fait une offre s’élevant à 3000 000 000 de lires (environ 2 millions de dollars) pour l’ensemble de l’équipement.
Bien que surprenante, cette proposition est logique dans la mesure où, à cette époque, les Lambretta® sont présents partout en Inde où ils sont très populaires pour leur style et leur fiabilité.
Après des discussions houleuses, les négociations finissent par aboutir et le petit Lambretta® né sur les rives du Lambro embarque pour la prochaine étape de son existence sur les rives du Gange.
Pendant quelques années, le gouvernement indien produit le Lambretta® et l’exporte vers différents pays européens.
Le succès n’est pas au rendez-vous et la société Scooters India cesse alors d’utiliser les marques Lambretta® et Lambro.
A Jean-Philippe Tournois, auteur de ce document sur l'histoire de Lambretta et du scooter Italien de ces débuts aux années 70.
Surfant sur la vague du vintage, la marque Lambretta est en train de revivre une nouvelle jeunesse. A découvrir sur www.lambretta-france.fr