Il peut paraître assez déroutant que certains metteurs en scène s’intéressent encore aujourd’hui à interpréter et réinterpréter des grands classiques tels que Molière, Racine, Corneille, etc. Il fut un temps où ces textes étaient voués à être enterrés et oubliés.
Comme l’avançait sans aucun complexe Antonin Artaud dans son texte «Pour en finir avec les chefs-d’œuvre » dans lequel il écrit « les chefs-d’œuvre du passé sont bons pour le passé; ils ne sont pas bons pour nous. […]
Laissons aux pions les critiques de textes, aux esthètes les critiques de formes, et reconnaissons que ce qui a été dit n’est plus à dire ; qu’une expression ne vaut pas 2 fois, ne vit pas 2 fois ; que toute parole prononcée est morte et n’agit qu’au moment où elle est prononcée, qu’une forme employée ne sert plus et n’invite qu’à en rechercher une autre, et que le théâtre est le seul endroit au monde où un geste fait ne se recommence pas 2 fois.» 1
Pourtant depuis les années 1970, les interprétations se multiplient. Certains comme Antoine Vitez se sont penchés jusqu’à 11 reprises sur des textes faisant parti es des grands classiques d’autrefois.
D’après certains interprètes, l’intérêt se résume au fait qu’il est primordial de revoir, relire et réadapter une pièce telle que Tartuffe, aux valeurs humaines complexes, car elle offre un large panel d’interprétations.
D’après Brigitte Prost, Maître de conférences en études théâtrales à l’université de Rennes, dans «Le répertoire classique sur la scène contemporaine» cette réponse que tant de metteurs en scène apportent n’est pas la seule explication. Dans sa thèse Brigitte Prost propose une approche quasi psychologique.
Elle se concentre sur le « rapport particulier qu’entretiennent ces auteurs au temps, à l’histoire et à la mémoire ». Pour elle, mettre en scène un classique revient à faire un saut dans son passé culturel, rester en contact avec une certaine tradition tout en cherchant à la moderniser, à lui apporter un nouveau regard.
« De la reconstitution des jeux de scène du passé, à l’invention de nouveaux codes, le choix des possibles s’élargit : le metteur en scène, en interrogeant une époque révolue, peut l’exalter, la sublimer, la réinventer ou bien la rejeter comme un contre-modèle ». 2
Le metteur en scène peut aussi se lancer dans l’interprétation d’un grand classique par défi. En effet, on ne peut nier qu’une nouvelle mise en scène d’une pièce tel que Tartuffe n’est pas sans risque. Elle entraine des attentes plus pointues et donc plus fortes de la part du public et du milieu théâtral, qu’une pièce ti rée d’un texte contemporain. Par conséquent, cette attente amènera de la part du spectateur quel qu’il soit, un jugement plus exigeant et rigide.
Enfin, comme le souligne B. Prost: «le fait que plus de trois siècles séparent la représentation d’aujourd’hui de l’époque de sa création, génère rêveries, dialogues avec le passé» et avec ses traditions.
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