Paroles libres de... jeunes de banlieue, un ouvrage d'entretiens qui photographie la jeunesse d'aujourd'hui, loin des idées reçues et des jugements simplistes.
Paroles libres de ... jeunes de banlieue part à la rencontre d'une vingtaine de jeunes, issus de différentes banlieues françaises et de tous les milieux sociaux. L'objectif de l'auteur, Anne Dhoquois : connaître leur point de vue sur des questions de société, sur leurs loisirs et occupations, mais aussi leur perception de la banlieue, de ses codes, des jeunes des quartiers, sur leurs perspectives d'avenir.
« C'est quoi être un jeune de banlieue ? A quoi rêvent-ils ? Comment les uns influencent-ils les autres en matière de musique, de langage, de modes vestimentaires ? Se sentent-ils liés par une même classe d'âge ? Quelle place accordent-ils à la religion ? Pour quoi s'engagent-ils ? Pour qui votent-ils ? ... ».
Un ouvrage étonnant, sans tabou, dans lequel chaque chapitre est conclu par une analyse du sociologue Ahmed Boubeker, pour remettre les propos de ces jeunes en perspective.
Loin de véhiculer le cliché des délinquants des cités, ce livre est l'occasion de redéfinir le terme de banlieue, et de donner la parole à des jeunes issus de tous les quartiers - sensibles, pavillonnaires, plus ou moins riches - qui ne veulent pas être assimilés à des « voyous ». Des profils variés et un point commun : vivre en périphérie d'une grande ville.
Hishem a 20 ans et habite Evry (91). Il vient de signer un CDD dans une entreprise spécialisée dans les portes automatiques après avoir effectué de nombreux jobs. Originaire de Boulogne-Billancourt (92), Ludovic, 22 ans, est en première année de Master de droit à Rotterdam aux Pays-bas. Medhi, 22 ans est étudiant à l'EDHEC, une grande école de commerce. Il a grandi à Villeurbanne (69) dans la banlieue lyonnaise, et bien d'autres encore...
Des témoignages touchants, des réponses étonnantes, qui prouvent une grande lucidité de cette jeunesse qui a du mal à être entendue.
Cet ouvrage est le premier de la nouvelle collection « Paroles libres de... », qui a pour vocation de mettre en lumière des populations qui n'ont pas l'occasion d'être entendues par les médias, mais dont le regard compte et intéresse le plus grand nombre. Innovante, elle mêle des témoignages et leur mise en perspective sociologique. Le deuxième titre, Paroles libres de ... militants, sera consacré aux militants de partis politiques, d'ONG et d'association et paraîtra en janvier 2012.
Quelques morceaux choisis...
C'est quoi pour vous un jeune de banlieue ?
Kandé, 24 ans, Évry (91)
« Pour moi, les jeunes de Neuilly, ce ne sont pas des jeunes de banlieue. J'ai cette image en tout cas, liée au fait que ce soit un quartier chic, tout près de Paris. Pour moi, c'est plus Paris que la banlieue.
En fait, la banlieue c'est un lieu de mixité culturelle, qui est un atout évidemment. À Évry, il y a des Noirs, des Arabes, des Indiens... Dans les quartiers, on se connaît tous. La banlieue, c'est aussi une façon de vivre. On échange, il y a une facilité de communication entre les uns et les autres. Le voisin de palier, on le connaît, ce n'est pas quelqu'un à qui on dit juste "bonjour" et qu'on évite. Dans les quartiers chics, je ne pense pas que tout le monde se connaisse. C'est peut-être juste une image... mais c'est l'impression que j'en ai, que chacun fait sa route. »
Mehdi, 22 ans, Villeurbanne (69)
« Les gens sont souvent choqués par mon niveau d'expression ; on me dit : "vous parlez bien", sous-entendu pour un jeune de quartier. Ils comparent avec l'idée qu'ils se font de l'expression
d'un jeune de banlieue. Moi, je suis accepté parce que je suis dans une grande école, c'est un passeport. Et ça prouve qu'il peut y avoir de la transversalité dans les tribus. »
Louis, 20 ans, Nogent-sur-Marne (94)
« Jeunes de banlieue, ça évoque les banlieues délicates plus que les banlieues paisibles et bourgeoises.
Les seules fois où on entend parler de la banlieue, c'est à travers les médias et les événements qu'ils relatent comme les faits de délinquance. En même temps, il n'y a rien à dire sur les autres banlieues comme il ne s'y passe pas grand-chose. C'est moins croustillant pour les médias. Ce n'est pas un problème pour moi d'être invisible. Au contraire, j'ai conscience de ma chance d'autant plus quand je vois ce qui se passe dans les cités, je ne suis pas confronté aux mêmes réalités sociales. [...] Je ne me considère pas comme un jeune de banlieue, plus comme une personne issue de la région parisienne ou comme parisien. »
Hishem, 20 ans, Évry (91)
« Jeune de banlieue, ça évoque trop de trucs. Si je devais utiliser des adjectifs, le premier, ce serait courageux, débrouillard, têtu. En même temps, être jeune de banlieue... ça dépend de quelle banlieue on parle... [...] Maintenant, si je dois parler de la catégorie à laquelle j'appartiens, ça m'évoque le courage. Moi, j'ai plus de responsabilités, je dois aider ma famille, mon père, je dois aider au bled, il faut que je taffe. Il ne faut jamais baisser les bras, si tu le fais, t'es foutu. Je fais partie de la catégorie des jeunes de banlieue, qui ne baisse pas les bras, qui essaye de s'en sortir, qui bosse, qui ne s'arrête pas aux barrières qu'on leur met. Si tu t'arrêtes à ça, tu rentres dans l'illégalité ou tu ne t'en sors pas. »
Votez-vous ? Et voterez-vous en 2012 ?
Vincent, 22 ans, Antony (92)
«Voter, ça rentre dans les valeurs que mes parents m'ont inculquées ; on est en démocratie, le pouvoir appartient au peuple, même si c'est utopique, on a un pouvoir entre les mains, c'est bête de ne pas l'utiliser. [...] Je voterai pour une personne qui aura émergé médiatiquement et dont le programme m'intéressera. Je prendrai le risque de voter pour une minorité, pour un petit parti. Il faut que j'arrive à trouver un candidat qui ait des valeurs ; j'ai des problèmes avec la politique, je suis pessimiste. Dès qu'un homme a un petit peu de pouvoir, il en abuse ou il perd son objectif de vue. [...] Pour être un vrai homme politique, il faut être armé au niveau charisme et éthique et prendre du recul ; pour l'instant je ne vois pas qui est l'homme de la situation. »
Mélissa, 17 ans, Bondy (93)
« En 2012, j'aurai 18 ans et j'irai voter, on ne va pas élire n'importe qui. J'en parle avec ma mère mais je ne veux copier personne. Avant de me décider, je regarderai BFM, j'écouterai les candidats, ce qu'ils peuvent faire pour la France. Je n'ai pas d'a priori sur la gauche ou la droite, je me déciderai en fonction de ce qu'ils disent. »
Les auteurs
Anne Dhoquois est journaliste indépendante. Elle fut rédactrice en chef de « Place publique, le site des initiatives citoyennes » pendant onze ans. Ses domaines de prédilection sont la vie associative, la politique de la ville, l'économie sociale et solidaire, le développement durable...
Collaboratrice aux éditions Autrement depuis 2006, elle a publié de nombreux livres sur la thématique des banlieues, parmi lesquels Banlieues créatives, 150 Actions dans les quartiers (2006) et Bondy- Zone humaine sensible (2010).
Elle dirige la collection « 100 conseils de pros » aux éditions Express Roularta.
Ahmed Boubeker a été journaliste pendant quinze ans à Libération. Il est sociologue à l'université de Metz. Il a cosigné Ruptures post-coloniales, à la Découverte, Histoire politique des immigrations (post) coloniales : France, 1920-2008 aux Editions Amsterdam, et vit à Lyon.
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